Je suis sur l’autre rive
(Illustration olivier Bonhomme)
Je me tiens déçu
attentif sous la pluie
Il paraît que l’âme peut être immense
Je la crois élastique
nuage
Je suis trempé
Tout sera lavé
Le bien et le mal
La tendresse aussi
Ce que la goutte ruisselle à la rivière est pardonné
Pas
emporté
*
Plein ouest
mon bateau
Ivre
Être dans la lune ne suffit pas
Il reste des indiens au-delà de l'Iroise
Ou bien
rien
*
Je les vois boire le sang des passions à même le cou d’un miraculeux
On dirait un pendu debout
J’ai pris leurs yeux jaunes pour la fleur au crépuscule
L’appel du pollen
Tenté de rire
Tenté de fuir
Mais j’ai laissé mon corps
Je suis sur l’autre rive
celle des désirs et des rêves
L’une lui découpe la peau du crâne
et la retire
et la pose sur son propre crâne
glabre
et bleu
L’autre
lui grignote l’extase de ses lèvres
Le dévore du regard
Et son œil est dans le mien
entre mon corps et la réalité
La berge s’écroule et tout se noie
*
Un ange aux pieds boueux tente un pont de plumes
La rivière refuse
*
Au bout d'un ponton
très long
ou sur une île verte et grise
il y a peut être une ombre pour passer ce reflet
*
Tout le monde
au-delà de l’eau
hale sur ce chemin de vie
passe
comme si je n’existais pas
Je ne dois pas me plaindre
Je suis de l’autre rive
*
Il faut s’ébrouer
un peu
et sourire
contrits
sur la grève
avant de nous donner
à l’île
mangée par les brumes
rangée
juste là dans l’infini magique
puis entamer la traversée
les yeux fermés
main dans la main
dans le vent
enlevés par le soir